Renouer, reprendre langue,
refonder… Ces mots n’ont cessé de revenir ces dernières décennies quant aux
politiques culturelles en France. Nous avions nous-mêmes porté cette ambition
haut et fort pour maintenir l’investissement dans la culture et dans le débat
public avant l’élection présidentielle, ambition que le candidat Hollande
endossa lui-même en janvier 2012 : « La crise ne rend pas la culture moins
nécessaire, elle la rend plus indispensable. La culture, ce n’est pas un luxe
dont, en période de disette, il faudrait se débarrasser. La culture c’est
l’avenir, c’est le redressement, c’est l’instrument de l’émancipation et le
moyen de faire une société pour tous. »
Au-delà des mots et des discours
officiels, trois ans après le début du quinquennat, malgré des tentatives
initiées par la Ministre de la Culture, ces promesses n’ont pas été tenues
faute d’arbitrages budgétaires perdus et d’une mauvaise réforme de
l’intermittence. La vie culturelle en
France recule si vite, en laissant tant
de projets et de territoires étouffer, quand ils ne meurent pas, que cela
devient petit à petit irréparable.
Ce fossé traverse la société, la
culture n’en est pas en soi la cause exclusive pourtant elle y participe. Alors
que la fraternité réapparaît au grand jour des valeurs à réaffirmer, les
pratiques culturelles sont devenues plus clivantes et sans doute plus
discriminantes qu’elles ne l’étaient auparavant suivant les catégories
sociales, professionnelles, suivant là où nous vivons et l’âge que nous avons.
Sans doute que le gouvernement n’a pas pris la mesure du fossé qui s’est creusé
depuis des années, il n’a assurément pas pris la mesure de l’ambition qui
animait le socialisme.
A cela s’est ajouté la tentative
de réduire la culture au silence dans des pays dits démocratiques, jusqu’en
Europe, de la Russie à la Hongrie, où l’on attaque directement ou indirectement
la presse, les intellectuels puis les lieux d’art et de culture. En France
c’est la pression régulière de groupes intégristes qui veulent interdire la
tenue de spectacles. C’est aussi des dessinateurs et des caricaturistes qu’on
assassine…
La censure doit être une
préoccupation de tous les temps et le nôtre y est confronté. Nous savons ainsi
que lorsque le FN prend la tête d’une collectivité, ses premiers combats sont
culturels allant des suppressions de subventions aux associations, aux livres
et journaux interdits ou imposés dans les bibliothèques en passant par les rues
débaptisées ou la volonté de fermer des théâtres. Et cette tentation gagne la
droite qui sous la pression du Printemps français demande à retirer des livres
pour enfants des bibliothèques, des films ou des spectacles qui dérangent leur
vision archaïque de la société ou même interdire des festivals de musique
métal…
Plus insidieusement, on voit
aussi depuis les élections municipales, des politiques s’ingérer dans les
programmations et au nom du « populaire » mettre en péril toute ambition
créatrice, novatrice, émancipatrice... La gauche doit donc rappeler avec force
que le rôle du politique est de soutenir les créateurs sans les soumettre à sa
dictée, de faciliter les rencontres des citoyens avec les œuvres et les
pratiques culturelles sans vouloir les contrôler, de favoriser la découverte
d’univers inconnus sans craindre l’altérité, la diversité et la nouveauté.
Et bien sûr il faut « tenir bon »
! Tenir bon face aux stratégies de la peur, tenir bon face aux populismes, tenir
bon et donc ne pas s’autocensurer !