A l’occasion du renouvellement des postes de direction de nombreux établissements culturels public, on discute beaucoup autour du processus qui amène à de nouvelles nominations. Le ministère de la culture a choisi, à juste titre, de renouveler et de féminiser ces postes. Il était temps quand on sait que sur 39 centres dramatiques, moins de 5 sont dirigés par une femme. Mais le ministère n'a pas choisi de modifier les règles du jeux des nominations (CDN réservé au seuls artistes, nomination relevant du ministre après consultations des autres financeurs publics...) à l'exception notable de la parité qui est maintenant de rigueur dans les listes finales
Il y a deux ans, lors du vaudeville sur le départ d’Olivier Py de l’Odéon et sa nomination, une semaine après à la tête du festival d'Avignon, j’avais publié une tribune avec Didier Salzgeberg réclamant un changement de méthode pour les nominations à la tête des établissements culturels. Je la republie ici, car elle me semble toujours être d'actualité.
Pour une nouvelle dramaturgie des nominations
Le débarquement programmé
d’Olivier Py de la direction de l’Odéon- Théâtre de l’Europe puis sa nomination
surprise à la tête du festival d’Avignon ont suscité un émoi certain dans la
communauté culturelle. Nombreux sont ceux qui se sont positionnés, en défense
« de la victime », brutalement débarquée par Frédéric Mitterrand, en
oubliant parfois les conditions même de sa nomination.
L’émotion est d’autant plus
grande qu’elle arrive après une succession de nominations à la direction
d’institutions théâtrales ou chorégraphiques à la procédure un peu étrange
(Montpellier, Lyon Marseille..) Loin de nous l’idée de discuter de la qualité
des candidats nommés ou écartés. Il serait pour le moins curieux de trouver que
Luc Bondy est meilleur qu’Olivier Py ou l’inverse. La valeur artistique d’un
metteur en scène ne se résume pas à la manière dont celui ci a été nommé.
Depuis 2 ans, le moins que
l’on puisse dire c’est que les procédures exceptionnelles se succèdent, les règles
établies disparaissent.
Pour le cas d’espèce, la
nomination au poste de directeur de théâtre national, c’est le conseil des
ministres qui décide, par décret, sur proposition du Président de la République
…
A notre sens, le vrai
problème se trouve posé là. Ce mode de nomination de ces directeurs (et plus
rarement des directrices !) par décret présidentiel (ou ministériel pour
les Centres Dramatiques Nationaux et les Scènes Nationales) date peut-être d’un autre âge, d’un
autre siècle.
Tant que l’on continuera à fonctionner de cette
manière, c’est-à-dire
d’être dans le fait du prince, le bienfondé de ces nominations fluctuera
au rythme des humeurs du monarque. Il est temps que, là aussi, nous passions à
système plus démocratique, plus transparent. Un système qui pose des critères
d’abord. Pourquoi est-on choisi pour diriger un théâtre ? A quel mission
de service publique répond-on ? Quel est le cahier des charges ? Qui
en discute ? Et du coup qui décide ?
Un système qui prenne en
compte la diversité des interventions publiques. A l’exception notable des
théâtre nationaux, toutes les institutions théâtrales sont aujourd’hui pluri-financées par l’Etat, les
collectivités territoriales et même certaines d’entres-elles par le mécénat
privé. Comment prend-on en compte cette diversité des financements sans que
chacun cherche à tirer la couverture à lui ? Le système tel qu’il existe
aujourd’hui, renvoie chacun dans un rôle caricatural : l’édile qui cherche
à faire venir une vedette et le ministre qui veut placer ses amis. La
concertation, qui est pourtant prévue pour les nominations à la direction de
ces institutions culturelles ne fonctionne plus. Ainsi, comme on l’a vu
récemment lors de la nomination de Macha Makeiff au Théâtre de la Criée à
Marseille, la concertation a fait long feu et l’Etat a imposé sa candidate à la
Ville et à la Région.
Comme dans d’autres domaines
c’est donc de coopération dont on a besoin a cet endroit : coopération des
partenaires dans le choix des projets artistiques et culturels présentés,
incarnés par les directeurs(trices) candidats(es). Au regard du contexte,
l’innovation est aussi à rechercher dans ce moment très politique de la
nomination d’un directeur ou d’une directrice. Cette décision pourrait-elle
enfin symboliser cette coopération tant affichée par la puissance
publique ?
Donc un mode de désignation
qui prenne en compte les avis de tous. Des professionnels, bien sur, qui sont
rarement consultés. Pour preuve la bronca qu’a provoqué la révocation d’Olivier
Py. Mais aussi le public, ou plutôt les habitants. Après tout, le sujet les concerne très
directement. On pourrait fort bien réfléchir à des moyens d’associer les
spectateurs « émancipés » à ces décisions majeures. Rappelons à cet
égard que les théâtres nationaux sont d’abord des théâtres publics.
Espérons que nous pourrons
tirer des enseignements de cette situation. Il y a une nécessité d’avancer et
de sortir de ce cycle infernal ou comme le rappelait le ministre de la culture,
certainement sous la forme d’une boutade, dans une interview au JDD en avril
2010, à propos des nominations à la direction des théâtres : « il n’y
a pas de procédure, juste des usages ». Il nous faut sortir d’une
dramaturgie de la victimisation dans les nominations, en valorisant les projets
réalisés et présentés. Cela suppose de définir collectivement des procédures de
nomination d’une part – comme cela est prévu par exemple dans les
Etablissements Publics de Coopération Culturelle (EPCC) -, de définir de
réelles modalités d’évaluation d’autre part. C’est la question du contrat dans
toutes ses dimensions qui est posée ici.
A défaut de changer ce
système de nomination, nous seront amenés à revivre perpétuellement les mêmes histoires. Sous
la forme de tragédie, ou sous celle d’une farce.
20 avril 2011
Frédéric Hocquard, directeur de L’EPCC Arcadi
Didier Salzgeber, Coopérateur culturel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire