jeudi 26 décembre 2013

Coopération culturelle plutôt que transfert de compétence.



Retrouvez ci-dessous copie de la lettre que j'ai envoyé aux organisations professionnelles de la culture suite au vote de la Loi MAPAM sur la modernisation de l'action publique et les problèmes que posent les transferts de compétence en matière culturelle.





Paris, le 12 décembre  2013







Mesdames, Messieurs,
Chers ami-e-s,


Vous m’avez interpellé quant à la négociation en cours sur le volet culturel du Pacte d’avenir pour la Bretagne et sur la loi de modernisation de l’action publique (MAPAM).  Vous me faites part de votre émotion et je tiens à y répondre.

Permettez-moi tout d’abord quelques observations.

Je pense que le transfert ou la délégation de compétences précipitée de la part de l’Etat, que ce soit en Bretagne ou ailleurs, ne me semble pas une bonne idée.


Je ne suis pas surpris de voir émerger une telle question, tant celle-ci s’est régulièrement posée sans qu’un consensus n’ait vraiment émergé, sans que des a priori n'aient été tout à fait levés. En effet, si le principe et les budgets de l’intervention publique pour la culture doivent être sanctuarisés, il est aussi nécessaire que les politiques culturelles soient refondées. Par ailleurs, à un moment où les collectivités locales pèsent très majoritairement sur les financements publics pour l’art et la culture, à un moment où le gouvernement s’engage pour prolonger l’effort de décentralisation initié par les lois de 1982 et 1983, à un moment enfin où l’argent public se fait rare, ce débat ne peut plus être contourné. Depuis la création du Ministère de la culture, il l’a pourtant souvent été ce qui n’a pas empêché, bien au contraire, un engagement considérable des pouvoirs locaux dans ce domaine mais a généré en même temps un certain nombre de blocages sur la capacité à coopérer et faire ensemble. Chacun tient une part de responsabilité à cette occultation : l’Etat, dont l’administration reste parfois craintive de perdre ses prérogatives ; les collectivités, frileuses de se trouver prises au piège de compétences à exercer sans financement mais tout aussi confuses d’avoir à trouver une répartition d’action entre leurs différents échelons territoriaux et les organisations professionnelles, hésitant à se trouver déstabilisées par un nouvel ordonnancement de l’action publique.




Il n’y a pas de sens à être par principe contre tout transfert de compétences de l’Etat à une collectivité. C’est au contraire une conviction que nous portons. Je veux d’ailleurs mettre en avant la réussite considérable de l’engagement public local au profit de la culture ces trente dernières années. Pour que cette capacité d’action perdure, le débat portera sans doute essentiellement sur la nécessaire autonomie fiscale des territoires,  ce qui souligne l'intérêt du chantier ouvert par le Premier Ministre. De plus, le bilan du transfert de certaines compétences -comme la lecture publique aux Départements ou l’inventaire du patrimoine aux Régions-  a démontré la nette amélioration de leur exercice.

Ces observations faites, il apparaît cependant aujourd’hui que l’absence de débats a entraîné des propositions législatives qui interrogent. Je suis pour ma part très inquiet des conséquences de l’article 2 de la loi MAPAM puisque aucune réserve n'a été faite sur la délégation des compétences en matières culturelles de l’Etat, cela malgré les nombreux amendements présentés lors du débat parlementaire et notamment celui du Président de la commission culture, Patrick Bloche. De ce fait, l’expérimentation de transferts à la carte suivant les collectivités, dont on sait qu’ils pourraient devenir permanents, vont aller à l’encontre de la stabilité d’un service public de la culture en France.

L’enjeu, c’est la coopération territoriale ! Plutôt que l’expérimentation des transferts de compétences, mieux vaut expérimenter une nouvelle méthode de mise en débat et d’articulation des politiques culturelles. Ainsi, de la même manière que des conférences territoriales de l’action publique (CTAP) devront demain favoriser des convergences d’action locale, des collectivités et des acteurs culturels pourront aussi faire prévaloir cet état d'esprit. Des expériences de conférences régionales existent sur certaines régions ; elles démontrent que les acteurs et les territoires y sont prêts. Faisons de ces espaces de co-construction les lieux où s’identifient les besoins des populations, où s’intensifient les relations interprofessionnelles, où se construisent des synergies entre collectivités sur des chantiers prioritaires. Cela nécessite sans doute que chacun se repositionne, que les dispositifs d’Etat soient assouplis, que les collectivités acceptent de se parler malgré les différences d’échelle ou de sensibilité politique, que les acteurs acceptent de travailler ensemble dans un esprit de filière et d’interdépendance.


Cette perspective n’est pas illusoire, elle n’est qu’affaire de volonté. C’est d’ailleurs de cette manière que l’Etat retrouvera son rôle plein et entier d’intervention en matière culturelle. Elle doit s’inscrire dans la loi sur la création que le Gouvernement prépare pour 2014 et qui s'en trouvera d'autant plus légitime qu’elle répondra, je pense, aux attentes des acteurs. Elle démontrera que le débat qui se pose aujourd’hui sur la décentralisation n’est en rien teinté de conservatisme mais ouvre au contraire un nouveau pacte de confiance entre Etat, collectivités et acteurs.

Restant à votre disposition, je vous adresse, Mesdames, Messieurs, chers amis, mes plus sincères salutations.


Frédéric HOCQUARD
Secrétaire national à la Culture


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